La clause dérogatoire est censée protéger les Canadiens en cas de situations d'urgence non prévues par nos gouvernements fédéral ou provinciaux, ou par les personnes qui ont rédigé la Constitution dans les années 1980. Elle permet aux gouvernements de déclarer que, nonobstant les droits et protections définis dans la Constitution, ceux-ci peuvent être suspendus dans l'intérêt national ou provincial/territorial.
Depuis lors, elle est devenue plutôt une clause de Damoclès qui pèse sur la politique canadienne et incite les dirigeants faibles à l'invoquer parce qu'ils ne trouvent pas d'autres moyens de faire adopter leur législation - ou parce qu'ils veulent l'utiliser pour montrer qu'ils sont prêts à prendre des mesures décisives, quelles qu'en soient les conséquences.
La clause était censée être utilisée rarement, voire jamais, mais ces dernières années, avec l'affaiblissement de nos institutions, elle est devenue une cible tentante pour les dirigeants qui veulent agir avec fermeté. En 2000, le gouvernement de l'Alberta a tenté de l'utiliser pour limiter le droit au mariage, avant de se faire rappeler à l'ordre par les tribunaux, qui ont jugé que le mariage était défini au niveau fédéral.
Au cours de cette campagne, le leader conservateur, Pierre Poilievre, a ressuscité une politique zombie, conçue puis abandonnée par les républicains américains, et a menacé de la faire passer en force en utilisant la clause dérogatoire. La loi des trois coups prévoit que toute personne condamnée pour la troisième fois se voit infliger une peine obligatoire sans possibilité de libération conditionnelle. Des lois similaires, populaires à partir des années 1990, ont été ou sont en train d'être abrogées dans tous les États-Unis lorsqu'il est devenu évident que les criminels confrontés à une troisième arrestation estimaient qu'ils n'avaient rien à perdre - le vol d'un paquet de chewing-gum entraînait soudain le même type de peine que celle qui est généralement infligée pour un crime grave. Les criminels étaient donc plus enclins à essayer d'éviter l'arrestation, souvent en blessant ou en tuant des civils innocents - ou les policiers envoyés pour faire leur travail, c'est-à-dire protéger le public.
Contrairement à M. Poilievre, ma croyance en la loi et l'ordre n'est pas subjective - je me suis exprimé contre les blocages de routes et autres par les écologistes et les militants des Premières nations, contre le convoi qui a paralysé Ottawa - avec le soutien ouvert de M. Poilievre, le seul député à les avoir embrassés -, et contre les enthousiastes du Hamas qui terrorisent les juifs canadiens et occupent les espaces publics depuis octobre 2023. Nous avons besoin d'une réforme de la libération sous caution, de rues sûres et d'une répression de la criminalité. De quoi n'avons-nous pas besoin ? De jouer avec nos droits constitutionnels - surtout lorsqu'il existe de meilleurs outils, moins sexy et plus constructifs, à la disposition de tous les gouvernements.
Tout d'abord, il est logique d'imposer une certaine clarté dans l'utilisation de la clause. Pourquoi ne pas s'inspirer de la Loi sur la clarté, qui insistait sur le fait que toute province souhaitant quitter la Confédération devait obtenir un mandat de séparation basé sur une majorité claire de la population votant pour une question claire. Il s'agissait d'un antidote à l'utilisation de questions trompeuses par le Parti québécois lors des référendums sur la souveraineté de 1980 et 1995, et d'une garantie pour le pays que 50,01 % des résidents d'une province ne pouvaient pas briser notre pays. Nous avons besoin d'une loi similaire pour guider l'utilisation de la clause dérogatoire, en clarifiant ce qu'est une urgence imprévue et en garantissant que les outils juridiques et politiques traditionnels ont été utilisés et épuisés avant qu'elle ne puisse être utilisée.
En outre, les gouvernements doivent soumettre davantage de politiques à la Cour suprême, en demandant des décisions préventives sur des questions controversées. Lorsque j'étais ministre de l'éducation du Nouveau-Brunswick, j'ai essayé de faire en sorte que les tribunaux soient saisis d'un projet de loi visant à élargir les programmes de vaccination dans les écoles. Alors que les militants antivaccins insistaient sur l'inconstitutionnalité de la loi et que mes partisans insistaient sur son bien-fondé, ma position était simple : si une question juridique se pose, il faut demander aux tribunaux de se prononcer ! Cela ne donne pas aux politiciens l'occasion de paraître plus durs, mais cela leur permet d'adopter de meilleures lois, ce qui est censé être le but, n'est-ce pas ?
Nos droits et libertés ne devraient jamais être mis en jeu par des politiciens qui veulent transformer leur incapacité à gouverner dans le respect de la Constitution en un spectacle public destiné à montrer leurs muscles politiques, au détriment de nos droits. Une loi pour guider l’interprétation de la clause est un bon premier pas, et la normalisation de l’utilisation des questions de référence peut réduire la température politique autour des sujets brûlants. Nous aurons ainsi plus de clarté sur les rares cas où la clause dérogatoire doit être utilisée – et, espérons-le, moins de dommages à notre unité nationale lorsque ces situations d’urgence imprévues se présenteront.
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